Je n’ai jamais vraiment été satisfait par les anticipations créées dans les différents films ou livres de science fiction majeurs. Peut-il y avoir une meilleure approche à cet impossible problème qui nécessite de projeter un monde entier pour résoudre une question ? La question me parait encore très ouverte et les tentatives de réponses toujours trop parcellaires et naïves. Je me suis dit que l’on pouvait aborder le problème par le haut, à savoir quels sont les « piliers » encadrant l’évolution humaine ? Voici une tentative que je reproduis ici.
La vision anthropomorphique, pourtant maintes fois critiquée, n’a pas empêché la plupart des écrivains de science fiction ou de films de s’enfermer dans des schémas (que j'estime) relativement archaïques.
Comme à son ordinaire, l’homme s’attache trop aux formes générées dans le présent et en réalise une projection "homothétique" conduisant à des films sombres faits d’artefacts techniques actuels aisément reconnaissables. Poutrelles, ordinateurs aux voix grésillantes, robots humanoïdes, pétards, gros lasers et autres poupées de l’espace à forte poitrine ou à grands sentiments barrés de sang, en rouge et noir. Tout cela mis en avant par des projections technologiques réalistes, impressionnantes, mais qui ne font que reprendre ce que l’on peut voir déjà aujourd’hui autour de nous. Certes, si ce n'était pas le cas ce ne serait pas vendeur: on ne pourrait pas produire des films tels que Matrix, Alien, Blade Runner, Minority Report ou pire Le cinquième élément, La guerre des étoiles, Terminator, Mad Max et autres Robocop. C'est à dire que si chacun de ces films contiennent bien certains "insights" intéressants, ils me semblent avoir du mal à embrasser un point de vue global. On me rétorquera que ce n'est pas forcément le but, puisqu'il s'agit d'abord de divertir! Cependant, Bienvenue à Gattaca, 2001 A Space Odyssey et Contact me semblent sortir quelque peu du lot (pour des raisons différentes). Mais existe t-il vraiment des films qui tentent de faire de l'anticipation réaliste à 200 ou 300 ans et plus, de plus en brossant un univers complet ? Si ce genre existait, il ne serait probablement pas très vendeur.
Le passé et le présent pourtant nous donnent quelques indications de fond sur ce que pourrait être ce futur. La trame de ce futur est aller à chercher non pas simplement dans les évolutions technologiques en elles-mêmes mais dans ce qui constitue les fondements spirituels de l'homme, les mécanismes de la recherche du progrès.
Un premier pilier barrant la voie évolutive serait la destruction de la civilisation humaine. Dans quel cas cela pourrait arriver ? Demain, dans un siècle ou dans mille ans ?
Nous savons que la technologie devient de plus en plus délicate à maîtriser et ce, d'autant plus qu'elle est évoluée et puissante. Si le niveau de technicité prend le pas sur le niveau d'évolution moral et spirituel, reflété par l'esprit des lois et l'éthique des modes de gouvernances, un déséquilibre dangereux se crée posant un risque à très court terme pour la civilisation.
Je ne pense pas que « l’enfer » ou, autrement dit, qu’un monde foncièrement organisé sur l’asservissement de certains au profit d'autres puisse constituer un système tenable à long terme. C’est un problème systémique que je simplifie comme suit: de manière générale la "nature" cherche à s’auto-organiser vers une plus grande complexité (voir l'hypothèse d'U-Sphère au sujet de la complexité ou bien l'article plus consensuel sur la complexité). C'est à dire que chaque système évolué (espèce -plantes, animaux, êtres pensants-, système social ou culturel) cherche à trouver son équilibre dans l'environnement et à y maintenir son intégrité. Plus l'environnement sera hétérogène, complexe et évolué, plus les compromis réalisés seront difficiles à mettre en oeuvre et mettront à l'épreuve les entités partageant l'espace de vie. L'exemple classique des films de science fiction, de mondes "infernaux" construits sur l'asservissement de l'ensemble par quelques uns ne sont pas naturels: généralement ce sont des schémas pyramidaux qui entravent l’évolution. Alors même que l'évolution tend à optimiser et réguler le partage des ressources par des échanges en réseaux, les systèmes pyramidaux finissent par étouffer la base dont ils tirent leur puissance. L'écosystème social s'en retrouve appauvri et au fil des années, les problèmes deviennent de plus en plus accrus et remontent de la base vers le sommet du pouvoir sous la forme de problèmes de castes cherchant à étendre de plus en plus leur influence. Généralement, à ce moment là, la tête est coupée. C'est alors qu'un autre membre d'une caste concurrente peut reprendre les rennes, mais ce qui apparait inéluctable c'est qu'un système plus vaste viendra finalement prendre la place des précédents, répondant aux aspirations d'un nombre de membres plus élevé.
Or si dans une société moyennageuse ou post-moderne, ce genre de problématique est supportable à l'échelle planétaire, la société évoluant peut de moins en moins se permettre le risque de luttes internes qui deviennent radicales et dévastatrices. La parade est une régulation nécessaire de la violence au sein de de celle-ci sous peine de la voir disparaître. Un contrôle accru, et une connexion de plus en plus grande des individus à une matrice d’information partagée.
Le facteur anthropogénétique constitue très probablement l'un des risques environnementaux majeurs. D'un point de vue systémique, il sera de plus en plus intéressant d'apprendre à l'encadrer et le mesurer. Si l'on retient que la balance entre le niveau de progrès moral et social et le contrôle de la technologie est important, alors nous pouvons supposer que les facteurs suivants devront être particulièrement surveillés (tel que proposé par le scénario "ummite"):
Niveau de développement humain actuel: où en sommes nous ?
Empreinte systémique présente: qu'avons nous fait ?
Capacités de réaction et de contrôle: comment pouvons nous évoluer ?
Les sujets ci-dessus peuvent être associés à plusieurs catégories (et à certains ces références rappelleront probablement des choses...)
Logiquement, le monde du futur proche sera de plus en plus un monde de capteurs asservis à des systèmes de suivi et de contrôle (hypothèse U-sphère) de la société. Pour s'intégrer dans un cadre moral, cela devra être effectué de manière anonyme, de façon respectueuse des libertés individuelles dans l'espace autorisé par la "loi".
La solution au paradigme énergétique actuel ne résidera pas dans la multiplication des sources éoliennes ou solaires même si cela doit constituer un palliatif provisoire indispensable. Cependant, je pense que cela ne peut-être une vision rationnelle qu'à court terme. Malheureusement, nos écologistes m'apparaissent trop rapidement anti-progressistes, méfiants envers l'amélioration de la science notamment en matière d'énergie d'origine atomique. C'est un examen superficiel de ce qui se fait en la matière qui les conduit généralement à ignorer ce que l'on pourrait faire par exemple avec des miroirs de Fresnel ou de façon radicalement différente avec la Z-Machine (sujet évidemment discutable mais qui mérite recherche). Actuellement, proposer des programmes pour réduire notre consommation d'énergie est une responsabilité morale, certes. Mais c'est encore là une vision assez régressive qui ne tiendra que le temps que l'humanité trouve d'autres sources. En effet, si l'énergie pouvait être accessible de manière importante, elle serait à même de résoudre énormément de problèmes sur notre planète. La plupart des problèmes comporteront des composantes de temps et d’énergie (ou de matière) (ou de connaissance). Et probablement un jour on dira « le temps c’est de l’énergie ».
Dors et déjà, il est de notre responsabilité de se débarrasser au plus vite du nucléaire fissile ainsi que du pétrole (une ressource géolocalisée à l'origine de tellement de maux et de guerres), et il ne semble pas que l'on prenne la mesure des enjeux.
Quoiqu'il en soit, le pallier actuel devra être tôt ou tard dépassé. Et c'est un enjeu qui nous concerne tous à moyen terme.
La matière est manipulée et utilisée de plus en plus pleinement à notre guise. La seule limite devenant la quantité d’énergie disponible. L’homme pourra innerver d’intelligence de plus en plus finement la matière : les nanotechnologies seront partout et en même temps la technologie sera de plus en plus intégrée, pervasive, accessible de n'importe où.
Les phénomènes quantiques seront probablement maîtrisés à des échelles de plus en plus grandes et proches de l'homme. Ce qui donnera lieu à des possibilités étranges de superposition d'objets physique ou au transport.
Les vaisseaux du futur seront certainement dépourvus de tout artefact de commande visible. Ce qui ne se voit quasiment jamais dans les films de science fiction, sauf peut-être Contact: nous sommes encore fan des boutons rouges et autres manettes. Pour donner une image, l’intérieur d’un vaisseau spatial pourrait être simplement et entièrement vide.
La commande pouvant se faire le plus simplement et le plus rapidement possible par l'esprit. A l'intérieur d'un tel vaisseau, c'est la réalité virtuelle qui occupe soit volontairement une partie du champ de la conscience, soit l'environnement immédiat de l'individu.
Par ailleurs, la manipulation de la matière entrainera la possible décomposition et recomposition de celle-ci à volonté (moyennant une consommation d'énergie). Les limites seront de plus en plus d'ordre moral imposée par des barrières régulatrices et sociales de plus en plus fortes.
Il s'agira d'apprendre à lutter contre nos peurs, et particulièrement la peur de l’inconnu à l'origine de tant de maux et d'intolérance. Nos systèmes primitifs de survie qui seront de moins en moins nécessaires, de plus en plus un handicap et devront être progressivement "débranchés". La conscience devra se faire de plus en plus universelle, de plus en plus connectée sur les mondes environnants.
L’empreinte écologique associée à chacun de nos gestes, de nos projets, devrait de plus en plus être présente, prise en compte de manière profonde, embrassée d’un point de vue systémique. Il s’agira de comprendre qu’au-delà du simple cadre de la protection de quelques espèces ou de quelques parcs naturels, c’est toute la terre qui dans son unité et sa relation à l’espace est engagée dans un processus vital.
On pourrait parler d’écologie des systèmes, voire de systémologie : la logique des systèmes. L’étude de l’inconnu, pour peu qu’il reste toujours une part d’inconnu, continuera à constituer un moteur de la recherche. Cet inconnu, se tapira dans des niveaux de complexité peut-être plus élevés. Quoiqu’il en soit, l’intelligence comme les systèmes génèrent de la complexité qu’il conviend
Les liens interdisciplinaires font voir la science de plus en plus comme un réseau et en particulier la connaissance.
Cela est déjà aujourd’hui vrai pour les informaticiens, demain ce le sera pour de plus en plus de personnes. Intégré sous la forme de règles morales acquises par une éducation précoce cela conduira les individus à raisonner naturellement en ayant à leur disposition plusieurs scénarios ou perspectives possibles face à n'importe quelle situation de choix. Le manichéisme primaire et instinctif devrait être de plus en plus régulé.
Les scénarios qui proposeront de trouver une issue par l'« annihilation » de réseaux de connaissances, ou plus largement la destruction de systèmes complexes, paraîtront primitifs. Il ne pourra s'agir que de solutions de dernier recours, et encore.
Nous chercherons à échapper de plus en plus de nos contingences corporelles, soit pas des formes de cybernétique - qui seront toutefois limitées. Moralement, le respect de la libre évolution des espaces systémologiques vers des niveaux de complexités accrus, devrait nous conduire à considérer avec de plus en plus de respect nos propres véhicules biologiques et ne pas interférer avec notre évolution génomique de façon destructive.
Dans l'hypothèse, où d’autres univers se superposeraient au nôtre, l'exploration de l'humanité s'étendra à ceux-ci. Il s’agira alors de se rattacher à des réseaux de conscience différents et de faire voyager la matière constitutive de son corps différemment.
Parallèlement, parcourir l’univers à la rencontre d’autres sources de complexité, en continuant à aider à maintenir un flux néguentropique en maintenant des poches de complexité. En préparant des régions de la galaxie, à l’échelle de dizaines d'années lumières (cela prend sens du point de vue de la climatologie galactique) et de milliers d’années à l'émergence de niveaux de complexité toujours plus grands. A la manière de jardiniers distants mais attentionnés qui cherchent à fournir un terreau propice et maintenir -de loin- un équilibre dans des zones de stabilités.
Car au travers du souci écologique, naît exactement la même passion et le même désir : celui d’entretenir et de préserver ce qui a vu naître la complexité et l'harmonie des formes. Préserver un flux qui a conduit la nature a nous produire nous-mêmes.
Construire de nouveaux pôles de complexité et les observer évoluer a-t-il ce ce sens "égoïste" ? N'y a t-il pas encore au-delà de tout cela, également un moyen d’équilibrer le paradigme de l’univers et de l’empêcher qu’il ne s’effondre sur lui-même en luttant contre l’effet dévastateur et permanent de l’entropie.